Nous sommes confinés, nous bougeons moins. Ne risque t’on pas de prendre du poids ?
« Effectivement, en ce temps de confinement, le risque de prise de poids est important. Deux événements se complètent, en effet. Tout d’abord, la baisse de l’activité physique. Les gens vont économiser en moyenne 200 à 300 calories par jour. A ceci, s’ajoutent le stress et l’anxiété liés à cette situation de confinement qui poussent aux grignotages et à la recherche du goût sucré avec des biscuits, du chocolat, des gâteaux, aliments qui calment, qui rassurent. En moyenne, cela va faire 300 calories de plus. Quand on additionne l’économie de calories due à une moindre activité physique et l’ajout de calories dû à un risque élevé de grignotage, globalement on obtient un excédent de 500 calories par jour. Sur un mois de confinement, il y a un risque de prise de poids de 2 à 3 kilos ».
Alors, comment faire pour ne pas prendre trop de poids …
« Tout d’abord, en agissant sur l’activité physique. Certes, elle ne sera pas intense, mais elle aura le mérite d’exister. J’insiste : il faut trouver tous les moyens pour bouger au moins deux ou trois fois dans la journée. Une séance ne suffira pas car l’effort ne sera ni assez intense ni suffisant. Chacun fait avec ce qu’il peut, avec ce qu’il a : un vélo d’appartement ou tout simplement des exercices de fitness sur un tapis. Le but ? Eviter que la graisse profonde abdominale ne se développe car l’inactivité physique favorise l’installation de cette mauvaise graisse ».
Doit-on aussi adapter notre alimentation ?
« Bien sûr. L’alimentation joue un rôle très important. Certes, il est difficile de s’alimenter quotidiennement en produits frais puisqu’il faut éviter le plus possible de sortir. Mais il y a des solutions. Il faut veiller à ce que l’alimentation ne soit ni trop grasse ni trop sucrée. Et surtout veiller, que l’on soit sain ou contaminé par le coronavirus, à ce qu’elle soit riche en vitamine C, fer, zinc, protéines, vitamine D et oméga 3. Ces éléments nutritionnels vont stimuler nos défenses immunitaires sur lesquelles reposent nos espoirs. Nos globules blancs dont les macrophages, les lymphocytes B (qui sécrètent des anticorps) et les lymphocytes T (qui attaquent le virus) sont en première ligne pour nous défendre. Il faut donc leur donner les moyens d’être en bonne santé et efficaces. Ils ont besoin d’énergie, d’antioxydants, de vitamines, d’Oméga 3, de protéines et de fer pour être solides et actifs. Ce n’est donc pas le moment de faire régime ou de manger n’importe quoi et n’importe comment. Il faut manger certes gourmand, mais surtout utile ! Donnons toutes les chances à notre corps de bien nous défendre ».
Dans quels types d’aliments trouve-t-on ces antioxydants qui boostent nos défenses immunitaires ?
« Par exemple, les agrumes, oranges, citrons, clémentines, pamplemousses, sont riches en vitamine C. Il faut bien les laver, même avec de l’eau savonneuse, pour éviter toute contamination. Il existe une solution plus simple : les jus en bouteille. Il n’y a pas de sucres ajoutés et un verre de jus d’orange couvre à lui seul 60 % du besoin quotidien en vitamine C. C’est un moyen sûr et efficace, à consommer de préférence le matin au petit déjeuner. Les kiwis sont une autre source de vitamine C. On peut en consommer jusqu’à trois par jour. On peut aussi acheter des fruits rouges surgelés. C’est idéal en cette période de confinement. La vitamine C y est préservée. Par ailleurs, je recommande de se supplémenter à raison d’un comprimé de 500 mg de vitamine C par jour, pour freiner l’oxydation de nos globules blancs, à prendre uniquement en début de journée. Entre les apports nutritionnels et le comprimé de vitamine C, la dose sera suffisante pour renforcer nos résistances et nous aider à guérir plus vite.
Les œufs, le poisson, la viande sont eux riches en fer (le manque de fer déprime les défenses immunitaires). Les œufs sont peu coûteux et ils se conservent longtemps. On peut en manger deux par jour. On y trouve beaucoup de protéines de très grande valeur nutritionnelle, mais aussi du fer dans le jaune, de nombreuses vitamines (70% des vitamines dont nous avons besoin), du zinc et de l’iode. Ils se cuisinent de différentes façons, en omelette, dur, à la coque, au plat. Il y en a pour tous les goûts. Pour le poisson, denrée périssable, je recommande d’acheter des crevettes, du saumon fumé, de la truite fumée française, des sardines ou des maquereaux en conserve, poissons formidablement riches en Oméga 3 et en vitamine D, très utiles à nos globules blancs. Pour la viande, on peut privilégier le jambon qui se garde un peu mieux au réfrigérateur, même s’il est moins intéressant nutritionnellement que l’œuf ou le poisson. Une autre idée : le poulet, même s’il est surgelé. Les yaourts nature ou au lait fermenté sont aussi des alliés pour notre microbiote car ils sont très riches en probiotiques. Un microbiote sain stimule les défenses immunitaires, entre autres au niveau du système pulmonaire. Or, les yaourts contiennent 1 milliard de probiotiques vivants par pot. Une petite aide certes, mais tous les renforts sont bienvenus. On peut y ajouter des fruits, comme de la mangue, ou une petite cuillère de miel ».
On a pu constater une ruée sur les pâtes et le riz, denrées qui conservent. Mais est-ce une bonne idée ?
« Si on ne consomme que du riz ou des pâtes, on va très vite prendre du poids. Il faut des légumes à tous les repas. Idéalement notre assiette doit se composer de protéines avec de la viande, du poisson ou des œufs, de trois à quatre cuillères à soupe de féculents qui vont nous rassasier, et de légumes à volonté qu’ils soient crus ou cuits. Le chou cru, les poivrons, le raifort sont très riches en vitamine C ».
Et si on a un petit creux à 16h ?
« On a tous envie de se faire plaisir. Mais il faut savoir s’arrêter. Il faut manger utile avec un fruit, des amandes et se faire plaisir avec deux trois biscuits par exemple, ou un peu de chocolat. On peut aussi prendre une part de gâteau maison que l’on aura cuisiné avec les enfants ».
Le confinement, c’est un risque de désynchronisation. Quel est le rythme idéal de nos journées ?
« Il ne faut pas se coucher tard. Il faut garder un certain rythme car la désynchronisation fatigue le corps et le manque de sommeil baisse les défenses immunitaires. Il ne faut pas non plus s’imaginer qu’en dormant 10 heures parce qu’on se couche à 3 heures de matin et qu’on se lève à 13 heures, on va être en forme. C’est faux car ce sommeil ne sera pas récupérateur. Tout se joue avant une heure du matin. Il faut donc se lever comme d’habitude vers 7 ou 8 heures et se préparer à une journée active. Profitons au contraire du confinement, pour manger mieux, bouger plus et se coucher tôt. Ainsi, après le petit-déjeuner, on est en forme. C’est là que l’on fait sa séance de gym. Ensuite, on mange bien au déjeuner, puis on se repose en début d’après-midi. On peut ensuite refaire un peu de sport. Et le soir, on mange léger ! Une omelette, une salade composée, un yaourt et un fruit. Apéros sympas et entre amis virtuels recommandés. Et si on remplaçait les chips, les cacahuètes et le saucisson par des verrines de toutes les couleurs riches en légumes, avocat, crevettes – avec un bon jus de tomate ? Manger gourmand, léger et utile ! ».
Est ce une bonne idée de se mettre au régime voire même de jeûner, pour perdre du poids, pendant cette période ?
« Surtout pas ! Les régimes sévères et le jeun prolongé entraînent des carences et donc une baisse des défenses immunitaires. Il faut en réalité manger équilibré, suffisamment, en contrôlant sa consommation de gras et de sucre – surtout pour éviter de prendre du poids, plutôt que de chercher à en perdre.»
Donc, on respecte notre gras. On ne l’agresse pas ?
« Absolument. Le gras de notre corps est utile et contribue à la bonne efficacité de nos défenses immunitaires. En revanche, il en faut ni trop, ni trop peu. Les personnes qui souffrent d’obésité ou de maigreur sont beaucoup plus fragiles immunitairement que celles qui ont la bonne quantité de gras en elle, même avec un petit bourrelet. Ce gras nous est utile ! »
Et si, malgré tout, nous prenons quelques kilos pendant ce confinement va-t-on les perdre facilement ?
« Oui, bien sûr. Quand on réagit vite les kilos se reperdent facilement, en faisant bien les choses – surtout sans agresser son gras par des régimes sévères et restrictifs. C’est tout un art de bien faire. Les kilos difficiles à perdre sont ceux que l’on a laissés s’enkyster au fil des années ».
Docteur Laurence Plumey, Médecin Nutritionniste, fondatrice de l’Ecole EPM Nutrition.
Elle exerce à l’Hôpital Necker (Paris) au Centre de Référence de l’Obésité de l’enfant et à l’Hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, en Gastro Entérologie et Nutrition (Obésité de l’adulte). Elle enseigne à l’École de diététique de Paris. Son dernier ouvrage « Le monde merveilleux du gras. Tout sur ces rondeurs qui nous habitent » aux éditions Eyrolles (mars 2020).