La grippe, comment s’en protéger ou la gérer.

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En France, chaque année et grâce aux données fournies par le réseau Sentinelles comptabilisant le nombre de consultations médicales pour syndromes grippaux, on estime que la grippe touche entre 1 et 4 millions de personnes. Dans le Monde, les épidémies annuelles de grippe sont responsables de 250 000 à 300 000 décès, la plupart étant des personnes âgées.

La grippe est une infection virale dûe à un virus de la famille des virus Influenzae. Il en existe 3 souches différentes qui portent des signatures antigéniques différentes :

  • Le type A qui a de grandes capacités à muter de façon radicale et à engendrer des épidémies mondiales dites pandémies
  • Le type B qui est heureusement le plus fréquent et qui donne surtout des épidémies loco régionales
  • Le type C qui donne des symptômes plus bénins (comme un gros rhume) et ne provoque pas d’épidémie

Pour mieux comprendre ce que tout ceci signifie, voyons un peu plus en détail ce qu’est le virus de la grippe.

Le coupable, c’est lui : un virus du genre des Influenza virus. 

Le virus de la grippe porte un génome composé non pas d’ADN (comme celui de nos cellules) mais d’ARN qui permet une réplication très rapide des cellules (et donc une diffusion importante dans le corps).

Il change souvent d’identité
L’ARN du virus de la grippe permet la synthèse de protéines dont 2 protéines ancrées à la surface de l’enveloppe extérieure du virus : une hémagglutinine (H) et une neuraminidase (N). Il existe 16 types différents d’hémagglutinine et 9 types de neuraminidase. Autant préciser que les combinaisons sont multiples et vous comprenez pourquoi chaque année le virus est différent : H1N1, H1N2

Les petites et grandes mutations
Quand les mutations sont brutales et profondes, le virus devient un virus totalement nouveau contre lequel nous n’avons aucune défense immunitaire, malgré nos infections des années précédentes. Il se propage très vite et fait des ravages sous forme d’épidémie mondiale appelée aussi pandémie. Quand les mutations sont mineures et superficielles, le nouveau virus variant reste proche du précédent et l’immunité acquise par les infections précédentes protège en partie la personne contre lui.

Il pénètre dans vos cellules
Lorsque vous entrez en contact avec ce virus, il s’accroche aux cellules de votre système respiratoire, rentre dans les cellules, s’y multiplie comme un « alien » et en ressort en plus grand nombre. Il se diffuse rapidement dans le corps et y provoque toutes les réactions de défense qui font nos symptômes : sécrétions liées à l’inflammation des muqueuses (nez qui coule, toux) et à l’inflammation générale (fièvre et courbatures musculaires). Heureusement, nos défenses vont peu à peu prendre le dessus, sans traitement anti viral.

Les épidémies historiques

Souvenons-nous de l’épidémie de la grippe espagnole en 1918 (40 millions de morts), de la grippe asiatique en 1957 (4 millions de morts) et de la grippe de Hong Kong en 1968 (2 millions de morts). Ces épidémies se sont expliquées par des cassures totales du matériel génétique du virus et l’apparition de nouveaux virus contre lesquels personne n’était protégé. A cela s’ajoutaient des conditions d’hygiène insuffisantes pour limiter la propagation. Au-delà de ces mutations profondes, s’ajoute la possibilité de résurgence d’un ancien virus de la grippe : ainsi, un sous type de 1954 est réapparu en 1977 causant l’épidémie de grippe russe.

Les grippes d’origine animale : pourquoi elles font si peur ?

Les virus grippaux de type A circulent en permanence chez les animaux et en particulier chez les oiseaux, le cheval et le porc. Chez les oiseaux, ces virus se multiplient dans leur tube digestif et sont éliminés dans leurs selles (fientes d’oiseaux). Ils peuvent provoquer des grippes chez l’Homme (la grippe aviaire), comme ce fut le cas en 1997 et en 2003 à Hong Kong (le virus H5N1), surtout quand l’Homme vit au contact des poulets comme c’est souvent le cas en Asie. D’ailleurs, les pandémies de grippe viennent souvent d’Extrême Orient.

Chez le porc et le cheval, ces virus grippaux de type A se multiplient dans leurs voies respiratoires et peuvent contaminer l’Homme (la grippe porcine) : ce fut le cas de la pandémie de grippe (le virus H1N1) survenue en 2009. Ces pandémies tuent malgré tout beaucoup moins que les épidémies « historiques » de grippe (centaines de morts, vs des millions de morts), mais ce que l’on redoute le plus, ce serait la rencontre génétique entre le virus aviaire ou porcin et le virus humain qui pourrait aboutir à la naissance d’un virus « mosaïque » qui s’adapterait plus facilement à l’Homme pour le détruire lors d’une nouvelle pandémie mondiale. Heureusement nous n’en sommes pas là, mais nous surveillons de très près !

Les signes de la grippe

Ils suivent une logique de progression du virus. Quand il est au contact des muqueuses ORL et respiratoires, il provoque éternuements, rhinite, maux de gorge, maux de tête et toux qui sont des réactions inflammatoires liées à l’arrivée des premières défenses immunitaires.

Ensuite, le virus traverse rapidement les parois du système respiratoire et passe dans la circulation sanguine, provoquant la diffusion de la réaction inflammatoire et l’apparition de la fièvre, réaction de défense visant à tuer le virus. La température corporelle peut monter jusqu’à 39° – 40°C. Les courbatures musculaires se manifestent également, traduisant la flambée inflammatoire diffusant dans tout l’organisme. A ce stade, vous êtes généralement au fond de votre lit, tremblotant (e), perclu(e) de douleurs diffuses et toussant, toussant, toussant.
Vous mettrez environ une à deux semaines pour guérir spontanément, sans traitement médical. Seules les personnes fragiles (sujets âgés, enfants, déficients immunitaires) sont à risque de développer des complications avec insuffisance respiratoire et surinfection bactérienne.

Le V grippal, c’est quoi ?

Dans un accès de grippe, la fièvre évolue de façon caractéristique : elle est forte dès les 2 à 3 premiers jours, puis chute dans les 2 jours suivants pour connaître une nouvelle poussée (moins forte que la première, avec une fébricule à 38°C) pendant 2 jours pour enfin totalement disparaître. Alors pas de panique si vous voyez remonter un peu votre température, cela est normal.
En revanche, ce qui ne serait pas normal, ce serait d’avoir une fièvre importante ne cédant pas et persistant toujours au bout d’une semaine. Votre médecin suspectera une surinfection bactérienne de type pneumonie (radio des poumons obligatoire) et un traitement antibiotique serait alors tout à fait légitime.

Comment bien vous traiter…

Les 8 règles assurant une guérison rapide :

  • Se mettre au repos : on augmente ainsi l’efficacité des défenses immunitaires
  • Lutter contre la fièvre avec un antipyrétique
  • Eliminer le plus de sécrétions virales possible par des lavages de nez avec des produits à base d’eau de mer. Votre pharmacien saura vous conseiller,
  • Bien s’hydrater en buvant au moins 1,5 litre d’eau par jour car avec la fièvre le risque de déshydratation est important,
  • Continuer de faire ses 3 repas par jour, même si on se sent très fatigué(e) et faire une cure de vitamine C (jus d’oranges, kiwi)
  • En cas de grosse fatigue et d’alimentation insuffisante, faire une cure de compléments alimentaires riches en vitamines et minéraux. Ils éviteront les carences qui ne peuvent que vous fragiliser davantage
  • Faire appel à des huiles essentielles aux vertus aseptisantes et pour dégager vos voies respiratoires : à base d’eucalyptus, de thym, de pin, de lavande, elles sont à mettre sur un mouchoir pour inspirations profondes et régulières durant toute la journée – mais aussi à faire diffuser dans l’atmosphère (effet moins efficace)
  • Aérez les pièces dans lesquelles vous vivez pour éviter de respirer votre air contaminé.

Et l’homéopathie ?

On y croit ou on n’y croit pas. Les traitements homéopathiques ont surtout vocation à être pris dès le début des premiers signes, pour limiter la propagation de la maladie. Parlez-en à votre pharmacien et essayez. Vous ne pouvez en tirer qu’un bénéfice (ou pas) et en tout cas, il n’y a pas d’effet secondaire. Toutefois, sachez que ces médicaments ne doivent en aucun cas se substituer au vaccin, surtout si vous faites partie de ces personnes à risque qui doivent se faire vacciner.

Que penser des anti-viraux ?

Ils ne sont pas adaptés en thérapeutique traditionnelle car très onéreux et ayant souvent des effets secondaires. L’oseltamivir (Tamiflu°) qui a beaucoup fait parler de lui lors de l’épidémie du virus H1N1 de 2009 est un inhibiteur de la neuraminidase (protéine de surface du virus grippal) et en diminue la capacité de pénétration dans les cellules. Mais nous n’avons pas encore trouvé avec les virus l’équivalent des antibiotiques pour détruire les bactéries. Rappelons qu’il est inutile de prendre des antibiotiques lors d’une infection virale.

Antibiotiques ou pas ? Comment savoir si c’est une bactérie ou un virus ?

Le diagnostic de grippe est un diagnostic de présomption, sur la foi de l’association d’un certain nombre de signes cliniques : le fait d’avoir un syndrome général associant fièvre, signes ORL et courbatures musculaires pendant une période d’épidémie grippale est hautement suggestif d’une atteinte virale par le virus de la grippe. Il ne faut donc pas prendre d’antibiotiques qui ne feraient qu’ajouter un inconfort supplémentaire : destruction de la flore intestinale et apparition de douleurs abdominales et de diarrhées. Les antibiotiques ne sont indiqués qu’en cas de surinfection bactérienne de type pneumonie, qui peut se voir sur des terrains fragiles (personnes âgées, déficients immunitaires, très jeunes enfants).

Comment limiter les risques de propagation et de contamination

Que ce soit pour vous éviter d’être malade, ou pour éviter de contaminer les autres, voici quelques conseils importants :

  • Une personne grippée est contagieuse dans la journée qui précède les signes cliniques et dans les 5 jours qui suivent le début de la grippe
  • La salive est très contagieuse : tout éternuement propulse des milliers de virus à plus d’un mètre !
  • Evitez de vous approcher de toute personne éternuant et ne vous placez pas en face d’elle quand elle vous parle – évitez aussi de l’embrasser ou de lui serrer la main (ou alors, allez vite ensuite vous laver les mains)
  • Vous pouvez aussi mettre un masque. Les Asiatiques en mettent souvent dans les transports en commun, en période de grippe. En France, nous n’avons pas trop cette habitude, mais quand vous voyez que quelqu’un est manifestement malade, ne vous asseyez pas en face de lui
  • Si c’est vous qui êtes malade, éternuez dans le pli de votre coude ou dans un mouchoir jetable. Lavez-vous les mains très souvent car le virus reste vivant pendant quelques heures sur toutes les surfaces que vous aurez touchées avec vos mains après avoir éternué dedans !
  • En règle générale, lavez-vous très souvent les mains.

Bien se laver les mains, c’est essentiel…

Ce n’est pas les passer 5 secondes sous l’eau. C’est bien les savonner pendant une minute avant de les rincer, en passant partout et en particulier au bout des doigts car c’est la partie qui est le plus souvent en contact avec ce que vous touchez. Vous pouvez aussi vous passer des gels hydro alcoolisés sur les mains en passant bien entre les doigts et au bout des doigts.

Mais souvenez-vous que le meilleur système de protection : c’est la vaccination

Elle réduit de 80% le risque de complications et de mortalité chez les personnes fragiles.
Il est donc important de se faire vacciner chaque année contre le virus de la grippe, surtout si l’on appartient au groupe des personnes à risque : sujets âgés, immunodéficients, malades des voies respiratoires (asthme, emphysème, bronchite chronique), diabétiques.
En dehors de ces profils à risque, il appartient à chacun de faire ses choix.



Dossier écrit par le Dr Laurence Plumey

Médecin nutritionniste et consultant pour Mutuelle Bleue
dans le cadre du programme « Passeport pour la santé »