Le diabète connaît une épidémie mondiale galopante, au même titre que l’obésité. Actuellement 100 millions de personnes en souffrent dans le monde et on estime qu’en 2025 il y en aura 300 millions, soit un peu plus de 5 % de la population mondiale. En France, il y a près de 3 millions de diabétiques dont 85 % sont des diabétiques de type 2 (ils n’ont pas encore besoin d’insuline pour se soigner). Beaucoup ont plus de 50 ans, il y a un peu plus d’hommes que de femmes, et un diabétique sur deux est en surpoids car l’excès de graisse augmente beaucoup le risque de devenir progressivement diabétique.
Mais que l’on se rassure, on dispose maintenant d’excellents traitements et de conseils efficaces sur l’hygiène de vie pour bien équilibrer les glycémies. Bien soigné, un diabète ne raccourcit pas l’espérance de vie !
Mais on ne sait pas toujours si l’on est diabétique ou pas et c’est pourquoi la prévention passe par le dépistage précoce, car trop de diabètes sont malheureusement découverts au moment des complications.
Le diabète c’est quoi ?
Cette maladie est définie par un taux de glucose dans le sang (appelée aussi glycémie) supérieur ou égal à 1,26 g/l (7 mmole/l) quand la personne est à jeun et ce à plusieurs reprises, sachant que la valeur normale de glycémie ne devrait pas dépasser 1 g/l, à jeun.
Cette élévation permanente de la glycémie a plusieurs explications :
Que risque t’on quand on est diabétique ?
Si on est diabétique sans le savoir (car c’est souvent une maladie silencieuse) ou que l’on se soigne mal, les glycémies trop élevées sont une agression pour la paroi des vaisseaux. Chroniquement, et au bout de 20 à 30 ans, cela abîme les petits vaisseaux de la rétine et diminue la qualité de la vision. Cela abîme également les vaisseaux irriguant les reins et cela altère leur fonctionnement. Enfin cela augmente le risque cardio vasculaire en touchant les vaisseaux du cœur et du cerveau.
Il n’est donc pas bon pour la santé de vivre avec des glycémies trop élevées.
Alors comment le savoir ? Tout simplement par un dosage de la glycémie à jeun, dans le cadre d’un bilan de santé qu’il faut faire de temps en temps, surtout si on a plus de 50 ans et/ou des antécédents familiaux de diabète. Ou encore si l’on présente des signes évocateurs de diabète comme une fatigue importante, des petites infections récidivantes, le fait d’uriner très souvent et d’avoir anormalement soif.
Ce qui doit inciter à un dépistage par dosage de la glycémie :
Le fait, depuis quelques temps, de se sentir anormalement fatigué(e) avec une sensation de soif, des urines fréquentes et des infections récidivantes (angines, infections urinaires …).
En effet, l’excès de sucre dans le sang passe dans les urines (pour toute glycémie supérieure à 1,60 g/l) et par son pouvoir osmotique* il attire l’eau. L’émission d’urine (la diurèse) est donc plus importante. Par ailleurs, la présence de sucre dans les urines augmente le risque de pullulation bactérienne et donc d’infections urinaires. L’hyperglycémie abaisse également les défenses immunitaires, d’où les petites infections générales récurrentes (panaris, angines …). Tous ces éléments peuvent donc être des conséquences d’un excès chronique de sucre dans le sang et doivent inciter à faire un dosage de la glycémie.
*L’osmose est un phénomène de diffusion de la matière mis en évidence lorsque des molécules d’eau (de solvant de façon générale) traversent une membrane semi-perméable qui sépare deux liquides dont les concentrations en produits dissous sont différentes. La différence de concentration provoque une différence de pression osmotique qui engendre un déplacement du solvant à travers la membrane (source : Wikipedia).
Le fait d’avoir des cas de diabète dans la famille (surtout s’il s’agit des parents).
En effet, quand l’un des deux parents est diabétique (de type 1 ou 2), les enfants ont 10 à 30 % de risque de développer un diabète, quand les deux parents sont diabétiques, les enfants ont 50 % de risque de développer un diabète. En général, dans les familles de diabétiques, on pousse plus loin les investigations pour évaluer les risques de chacun de développer un diabète. On fait une étude génétique car le gène muté prédisposant au diabète se trouve sur le bras court du chromosome 6, parmi les gènes du système HLA. En effet, le diabète est une maladie génétique, héréditaire.
Le fait d’être en surpoids (même modéré).
En effet, le surpoids favorise la résistance des cellules à l’action de l’insuline. En réaction, le pancréas fabrique de plus en plus d’insuline car il « sent » que son insuline n’est pas efficace. Mais malgré cela, la glycémie reste néanmoins élevée et, dans le pancréas, les réserves d’insuline risquent de s’épuiser. La seule solution pour éviter que la situation ne dégénère en un diabète plus sévère et irréversible : maigrir ! La seule perte de quelques kilos (environ 5 kilos) peut suffire à équilibrer le métabolisme du glucose et donc à rétablir des glycémies correctes.
Le fait d’avoir plus de 50 ans !
Il faut savoir que la fréquence du diabète de type 2 augmente à partir de 50 ans avec un maximum entre 55 et 75 ans. En effet, la plupart des diabètes de type 2 apparaissent vers l’âge de la maturité. L’insuline est moins efficace, les glycémies sont trop élevées et au bout de 20 ans on commence à en voir les dégâts sur les vaisseaux. C’est pourquoi au delà de 50 ans, il est bon de connaître son taux de glucose dans le sang (la glycémie).
Le fait d’avoir déjà quelques petits problèmes de santé comme de l’hypertension artérielle, un excès de mauvais cholestérol, ou un problème cardio-vasculaire.
En effet, nous avons vu que le diabète est un facteur de risque cardio-vasculaire à lui tout seul et il peut représenter un risque supplémentaire quand il est associé à d’autres pathologies.
Le fait d’avoir fait du diabète gestationnel pendant une grossesse et/ou avoir mis au monde un enfant de plus de 4 kilos.
En effet, le diabète gestationnel, même si les glycémies se sont normalisées après l’accouchement, montre un terrain prédisposé qui nécessite, par la suite, une surveillance des glycémies régulières (1 à 2 fois par an).
Autre élément qui doit attirer l’attention : avoir mis au monde un enfant de plus de 4 kilos.
Dans ce cas, durant la grossesse la mère a probablement secrété plus d’insuline qu’il ne fallait (en réponse à des pics d’hyperglycémie asymptomatiques) et cette insuline en excès a favorisé la synthèse de tissu adipeux du bébé dans le ventre de sa mère, d’où le poids supérieur à 4 kilos. Ceci est un facteur d’incitation à suivre les glycémies de la mère, au moins une fois par an, à la recherche d’un terrain prédisposé qui pourrait un jour se déclarer.
Comment réagir en fonction des résultats
Bien évidemment, c’est votre médecin qui interprétera les résultats mais il est bon que vous sachiez également de quoi il en retourne.
- Si votre glycémie se situe entre 0,8 et 1 g/L : elle est normale ! Vous voilà rassuré(e)
- Si votre glycémie se situe entre 1 et 1,26 g/L : on ne peut pas parler de diabète mais d’intolérance au glucose ou de prédiabète. C’est un résultat anormal mais qui est réversible. Il est encore tout à fait possible de normaliser la glycémie à condition de changer ses comportements alimentaires et de qualité de vie : maigrir en cas de surpoids, avoir une alimentation plus équilibrée si elle ne l’est pas, abaisser sa consommation de sucre si elle est trop importante, bouger et être actif si vous êtes très sédentaire… Sinon, la situation ne peut que s’aggraver et évoluer au bout de quelques années vers un authentique diabète et son cortège de traitement.
- Si votre glycémie est égale ou supérieure à 1,26 g/L (> 7 mmole/l) : vous êtes est considéré(e) comme diabétique (on vérifie néanmoins le résultat une 2ème fois en s’assurant que vous étiez bien à jeun depuis au moins 8 heures au moment de la prise de sang). Le médecin peut demander une HbA1C (hémoglobine glycquée) pour avoir une idée des pics glycémiques durant les 3 mois précédents.
Le traitement sera fonction des valeurs de glycémie et du contexte.
Le diabétique est régulièrement suivi, entre autres, grâce à l’HbA1C qui idéalement ne devrait pas dépasser 6,5 %.
Que peut manger un diabétique ?
De tout !
Il est loin le temps où le diabétique ne devait plus manger de sucre et autres friandises. Depuis que l’on connaît mieux le devenir du sucre mangé dans notre organisme, nous avons appris à identifier les aliments qui pouvaient faire vite monter la glycémie (les aliments à Index Glycémique élevé) et les aliments qui la font monter lentement et modérément (ils ont un Index Glycémique bas).
Il suffit donc de manger surtout des aliments à IG bas et de ne pas manger à jeun les aliments à IG élevé. En revanche, ils peuvent être consommés dans le cadre d’un repas. Donc voici les règles générales à appliquer quand on est diabétique.
Soyez régulier(e) dans les repas et mangez 3 à 4 fois par jour.
Ne sautez pas de repas et évitez de grignoter entre les repas car cela perturbe la glycémie.
Faites des repas complets et suffisants, dans le cadre d’une alimentation variée et équilibrée incluant du pain et des féculents.
Evitez les sucres rapides entre les repas.
Type boissons sucrées, bonbons, sorbets, biscuits confiturés, confiture, miel, morceaux de sucre dans le thé ou le café. En revanche, bonne nouvelle, vous pouvez manger un peu de chocolat : il a un IG lent ! Vous pouvez consommer des édulcorants.
Perdez du poids si vous êtes en surpoids.
Cela aidera à régulariser votre équilibre glycémique et peut être à corriger en partie votre diabète.
Pratiquez une activité physique régulière.
Les muscles consomment du sucre. Donc si vous marchez chaque jour au moins pendant 30 mn et d’un pas vif, vous contribuez à équilibrer votre glycémie. La marche est le minimum à faire. Vous pouvez y ajouter une activité sportive 1 à 2 fois par semaine, ce ne sera que mieux.
En somme, un diabétique doit avoir une vie saine, active avec une alimentation variée et équilibrée, bien suivre son traitement, vérifier que ses glycémies sont bonnes ainsi que son HbA1C trimestrielle.
Laurence Plumey répond à vos questions
« Je suis diabétique depuis 30 ans et je me soigne avec des injections d’insuline. On m’a toujours dit qu’il ne fallait jamais manger de sucre. J’entends maintenant dire le contraire. Que dois je en penser ? »
Les connaissances médicales évoluent et l’on connaît mieux le métabolisme des différents sucres des aliments dans le corps. Autrefois le raisonnement était simpliste : trop de sucre dans le sang, donc pas de sucre dans l’alimentation. C’est oublier que le corps transforme ce que l’on mange. Donc vous pouvez vous faire plaisir avec un peu de sucre ou des produits qui en contiennent mais toujours dans le cadre d’un repas. Sachez, pour votre plaisir, que le chocolat noir élève peu la glycémie. Alors, un petit morceau de temps en temps vous fera bien plaisir et continuez de bien équilibrer votre diabète en surveillant vos glycémies.
« Pendant ma grossesse, j’ai fait un diabète gestationnel. Après mon accouchement, cela c’est arrangé mais est ce que je risque de devenir diabétique ? »
La grossesse est une période de forts bouleversements hormonaux et peut déstabiliser un équilibre précaire. Vous avez probablement une fragilité au niveau de la sécrétion d’insuline ou de son efficacité à agir. Par prudence, il faut donc limiter la consommation de sucres rapides à jeun pour éviter de trop « fatiguer » votre pancréas et la synthèse d’insuline. Soyez également active, voire sportive, car les muscles pompent le sucre et aident à bien réguler les glycémies. En somme, ayez une alimentation variée, régulière et équilibrée, riche en légumes et soyez active. Faites vous faire un contrôle glycémique tous les ans pour être sûre que tout va bien.
« J’ai un surpoids important (mon médecin me dit que j’ai 15 kilos à perdre) et ma prise de sang n’est pas normale : je commence à avoir trop de sucre et de cholestérol. Est ce que cela va s’arranger si je maigris ? »
Oui, rien n’est perdu. Prenez la résolution de suivre un régime hypocalorique et vous verrez que votre bilan va s’améliorer au bout de 2 mois, si vous maigrissez. Il n’est pas nécessaire de perdre 3 kilos par semaine (c’est même franchement déconseillé), mais le simple fait de maigrir de 2 ou 3 kilos va déjà faire baisser votre taux de sucre et de cholestérol dans le sang. Surtout marchez tous les jours car les muscles captent le sucre pendant les efforts. Vous serez récompensée de vos efforts.
« Je suis diabétique et je prends des comprimés. Je ne sais jamais comment me comporter quand je suis invité chez des amis. Ce que je dois manger ou pas manger. Pouvez vous m’aider ? »
Tout d’abord, évitez les excès d’alcool car ils favorisent les hypoglycémies. Une petite coupe de champagne en apéritif et un verre de vin au repas sont largement suffisants.
Ensuite, à l’apéritif, ne prenez pas de liqueur (très sucrée) mais vous pouvez manger de tout, en petites quantités (c’est souvent assez gras). Au repas, il n’y a pas de restriction particulière. Le dessert risque d’être un peu plus problématique avec le traditionnel gâteau. Prenez en simplement une part mais pas deux. Par ailleurs, quand vous savez que vous êtes invité(e), arrangez vous dans la journée pour limiter votre consommation de sucre.
« J’ai entendu dire que les édulcorants étaient déconseillés aux diabétiques. Que faut-il en penser ? »
Il y a plusieurs types d’édulcorants. Les édulcorants intenses qui ont un pouvoir sucrant au moins 200 fois supérieur à celui du sucre : aspartame, acesulfam K, sucralose, saccharine … Ils ne modifient ni la glycémie, ni la sécrétion d’insuline par le pancréas. Autrement dit, ils ne font rien d’autre que de nous procurer un bon goût sucré. Vous pouvez donc en manger ou en boire, sans inquiétude.Il y aussi les édulcorants doux comme le fructose, le sorbitol …
Le fructose a longtemps été le sucre de référence des diabétiques car il élève peu la glycémie. Mais, on s’est aperçu qu’il avait des effets secondaires quand on en consommait trop ; il élève le taux de triglycérides dans le sang et augmente le risque cardio-vasculaire. Donc attention de ne pas en faire une trop grande consommation (confitures, produits pour diabétiques). Mangez simplement de tout, de façon raisonnable, bien réparti sur les différents repas. Le sorbitol est fréquemment utilisé dans les chewing-gum. Attention aussi de ne pas en consommer de trop car il provoque des troubles digestifs.
Dossier écrit par le Dr Laurence Plumey
Médecin nutritionniste et consultant pour Mutuelle Bleue
dans le cadre du programme « Passeport pour la santé »