Alors qu’autrefois, il était apparenté aux pauvres, le sarrasin a depuis retrouvé ses lettres de noblesse. Il est désormais un aliment star utilisé par les chefs en cuisine, sublimé dans des plats exotiques bien souvent inspirés du Japon. Zoom sur ce produit sain et revisité.
Si le sarrasin a le vent en poupe, c’est parce que cette fleur est dépourvue de gluten et ne supporte pas les pesticides. Jusqu’à présent uniquement utilisé dans les crêperies pour réaliser la fameuse galette bretonne à base de farine de sarrasin, ce produit se décline aujourd’hui sous forme de nouilles saupoudrées de graines torréfiées, de glaces, de tisanes, de salades et sandwiches semi-fermentés !
Le sarrasin : un plante originaire de Chine
Originaire de Chine, le sarrasin a été introduit en Europe au Moyen-Âge, après un passage par la Russie. Cette plante à fleurs de la famille des polygonacées, comme la rhubarbe ou l’oseille, ne contient pas de gluten. Elle est riche en vitamines du groupe B, en antioxydants, en magnésium et a un indice glycémique bas. Le sarrasin possède ainsi de nombreux bienfaits pour la santé.
De nos jours, le sarrasin est consommé sous la forme de bouillie ou en accompagnement de viandes ou de champignons. C’est un aliment plébiscité par les sportifs, les diabétiques, les allergiques et les adeptes d’un mode de vie sain.
Atelier Soba : un stage pour apprendre à cuisiner le sarrasin à Paris
A Paris, l’« Atelier soba » d’Olivier Campardou, rencontre un grand succès. Ce « paysan » des Pyrénées, comme il se définit, a réalisé un stage au Japon afin de maîtriser l’art des nouilles de sarrasin, où ce plat est très populaire.
Il accueille désormais des élèves lors d’un stage pour apprendre à cuisiner le sarrasin. Les apprentis cuisiniers sont accueillis avec une tasse de sobacha, du thé à base de sarrasin grillé made in Japan. Puis, durant trois heures, ils préparent, étalent et découpent la pâte, 100 % à base de farine de sarrasin moulu sur place !
Ce stage attire tous types de publics, aussi bien une famille franco-allemande passionnée du Japon qu’un restaurateur lyonnais, un ancien crêpier breton ou une cheffe japonaise qui apprend l’art des sobas à Paris !
Redonner ses lettres de noblesse au sarrasin
« La renaissance du sarrasin est due à la mode du sans-gluten », explique Olivier Campardou à l’AFP.
Pour redorer le blason du sarrasin, Olivier Campardou a acheté une décortiqueuse et installé des moulins qui tournent « doucement et ne maltraitent pas la farine ». L’idée est ici de présenter différemment le sarrasin qui avait été associé « comme le topinambour à la nourriture des pauvres ». Le cuisinier entend valoriser cette plante « qui a un très petit rendement, 10 fois moins que le blé ».
Le sarrasin qu’il utilise provient d’ailleurs en partie de sa propriété en Ariège, située près de la frontière avec l’Espagne, ainsi que de Lituanie, un pays balte où le sarrasin est « une base d’alimentation » comme c’est le cas dans la majorité des pays d’Europe de l’Est.
Quand le sarrasin part à la conquête des restaurateurs
Toujours dans la capitale, Hubert Niveleau, propriétaire du restaurant Sarra, revisite le sarrasin dans sa cuisine. « On fait des galettes sous forme de wraps, des graines décortiquées sont la base pour les salades. Torréfiées, elles sont en garniture sur des soupes céleri rave ou carotte curry. », explique-t-il. Côté dessert, le sarrasin se déguste en kasha (bouillie) accompagné de caramel beurre salé, dans un granola ou en crumble déstructuré.
Ici, « On est dans la niche +healthy food+ (nourriture saine). Depuis deux ans, le sarrasin a le vent en poupe », souligne Hubert Niveleau.
Pourtant, ce chef a grandi en Bretagne « avec la traditionnelle galette-saucisse le vendredi ». Toutefois, le mot « crêpe » ne figure pas dans le menu de sa table autour du sarrasin. « La crêpe, ce n’était pas un challenge pour moi », précise-t-il.
A Paris, c’est sur les Champs-Élysées que le chef Thierry Marx, deux étoiles Michelin et passionné du Japon, a ouvert en octobre 2018 un fast-food entièrement dédié au sandwich au sarrasin, nommé « marxito ».
Cet « adepte » du sarrasin a précisé à l’AFP sa conception du produit. « Ce n’est pas une galette bretonne non fermentée, ni un blini fermenté, c’est un marxito, un produit semi-fermenté et toasté. On joue sur cette hybridation pour faire évoluer un produit qu’on connaît ».
D’ailleurs, « Après la Révolution, les Français qui mangeaient du pain noir à base de sarrasin et de seigle c’étaient des pauvres, les riches mangeaient du pain blanc. Au milieu du 20e siècle, on n’a plus du tout voulu de farine grise. La réintroduction de ces farines est importante pour le plaisir des papilles et aussi pour la santé », se félicite Thierry Marx.
Sarrasin et épices : un mélange suprenant
A Marseille, Alexandre Mazzia, élu chef de l’année 2019 par le guide Gault et Millau, couronné récemment d’une deuxième étoile Michelin, pense que le sarrasin « a bien évidemment sa place dans les grandes cuisines. » Selon lui, le sarrasin est même « une passerelle vers le poivre, les épices ».
Sur sa carte, le chef utilise plus de 200 épices et travaille beaucoup sur la torréfaction. Dans ses plats, le sarrasin est servi légèrement écrasé, mélangé à du tapioca. Cela apporte « une texture presque éclatante au tapioca ». Le sarrasin est employé jusque dans les desserts. Sa crème au café est ainsi parsemée de graines torréfiées « pour sublimer le café et lui apporter une note fumée ».
Un autre grand chef, Eric Frechon, trois étoiles Michelin, sublime le sarrasin dans sa cuisine. Il cuit les Saint-Jacques avec du beurre de sarrasin et sert des crêpes de sarrasin pour accompagner le caviar. « C’est un produit qui a du goût et cela apporte énormément », assure-t-il.